La notion de proximité occupe une place centrale dans l’analyse des dynamiques humaines, tant dans le champ des sciences économiques que dans celui des sciences sociales. Si son origine théorique est souvent rattachée à l’économie, elle a depuis été reprise, adaptée et enrichie dans plusieurs disciplines, notamment dans le milieu des sciences sociales, pour mieux comprendre les enjeux d’intégration, d’innovation et de gouvernance.
Dans notre quête pour définir la notion de proximité propre au projet de recherche-action Juristes mobiles, nous avons étudié ses origines et son application en économie et en sciences sociales.
Une origine économique : de la géographie à la coordination
L’émergence du concept de proximité dans les sciences économiques remonte à 1890, alors qu’Alfred Marshall, économiste britannique, évoquait déjà l’importance des interactions locales dans les districts industriels. Ce constat a jeté les bases de la réflexion sur la proximité géographique et son rôle dans la diffusion de connaissances et l’innovation1.
Dans les années 1970-1980, cette idée a été approfondie à travers l’analyse des clusters, ces zones d’activités économiques regroupées qui favorisaient les échanges entre entreprises. Puis, dès les années 1990, une approche plus élargie a émergé, la dynamique de proximité, mettant l’accent sur les relations entre acteurs, qu’ils soient géographiquement proches ou non2. Cette approche faisait désormais la distinction entre diverses formes de proximité : géographique, organisationnelle, institutionnelle, cognitive et sociale3.
La proximité dans les sciences sociales : lien, soutien et autonomie
Dans le champ des sciences sociales, la proximité prend un sens plus humain et relationnel. Le travail de proximité désigne une approche d’intervention pratiquée directement dans les milieux de vie des personnes en situation de vulnérabilité. Il vise à établir un lien de confiance, à renforcer les capacités d’action des individus et à faciliter leur accès aux ressources4.
Ce type d’intervention englobe différentes pratiques comme le travail de rue (axé sur la relation individuelle) ou le travail de milieu (à visée collective). Néanmoins, dans tous les cas, la proximité est mobilisée pour créer des ponts entre les personnes marginalisées et la société.
L’importance de la planification de l’implantation
L’implantation du travail de proximité revêt d’une grande importance pour que celui-ci soit efficace, pertinent et pris au sérieux. D’abord, les travailleurs de proximité doivent observer et comprendre le milieu dans lequel ils vont œuvrer. Il est donc primordial de brosser un portrait du territoire, du vécu et des besoins des personnes qui seront visées par le travail de proximité. Cette étape est donc préliminaire à une intervention sur le terrain5.
Le travailleur de proximité intègre ensuite le milieu concerné. En effet, celui-ci est appelé notamment à bâtir un lien de confiance lors de ses interventions avec les individus, à établir un réseau avec la communauté et à acquérir de la reconnaissance de la part des personnes vulnérables et des organismes présents sur le territoire6.
Et la proximité en droit ?
En droit, la notion de proximité renvoie à une justice plus accessible, flexible et ancrée dans les réalités vécues par les personnes. Elle prend plusieurs formes — participative, réflexive, processuelle, structurelle, territoriale et temporelle — qui offrent chacune une façon différente de repenser le lien entre la population et le système juridique. Pour explorer ces dimensions plus en détails, consultez notre article sur le sujet.
Un cadre d’analyse propre à la recherche-action Juristes mobiles
À partir de notre analyse de la littérature et de nos échanges avec l’ensemble des employé.e.s des Centres de justice de proximité, nous avons élaboré un cadre théorique de la proximité qui reflète la spécificité du projet de recherche-action Juristes mobiles. Ce cadre s’appuie sur des concepts issus de la notion de proximité en droit, en l’économie et dans les sciences sociales. Il sera présenté en dans notre prochain article de cette série consacrée à “Définir la proximité”.
Notes bibliographiques et références:
1 Marshall, A. (1890). Principles of economics. Macmillan.
2 Torre, A., & Rallet, A. (2005). Proximity and localization. Regional Studies, 39(1), 47–59. https://doi.org/10.1080/0034340052000320842
3 Boschma, R. (2005). Proximity and innovation: A critical assessment. Regional Studies, 39(1), 61–74. https://doi.org/10.1080/0034340052000320887
4 Laforest, J., Roy, V., & Simard, L. (2021). Intervention sociale et travail de proximité au Québec. Presses de l’Université du Québec.
5 Allaire, J.-F., Bossé, P.-L., & Morin, P. (2015). Intervention de proximité en CSSS – Guide d’accompagnement. Direction du centre affilié universitaire CSSS-IUGS. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2467477
6 Cox, G., Couillard, G., Gauthier, M., & Legault, F. (2009). Cadre de référence pour le travail de proximité au Saguenay–Lac-Saint-Jean. L’Agence de la santé et des services sociaux du Saguenay–Lac-Saint-Jean. http://www.santecom.qc.ca/bibliothequevirtuelle/hyperion/9782921247641.pdf
