Lorsqu’un jeune en situation de rupture sociale ou familiale se trouve face à un problème juridique, il peut se sentir perdu et ne pas savoir vers qui se tourner. Que faire lorsqu’il ou elle ne connaît pas les démarches pour obtenir des réponses à ses questions sur des sujets aussi importants que le droit pénal, le droit de la famille ou encore la protection de la jeunesse? C’est dans ce contexte que le Centre de justice de proximité Laval Laurentides Lanaudière (CJP-LLL) s’allie avec le Café de rue l’Orignal tatoué, un espace d’accueil et d’insertion sociale pour les jeunes marginalisés, afin d’offrir une solution innovante et accessible : un accompagnement juridique de proximité.
Créer un lien de confiance avec les jeunes marginalisés
Le café de rue l’Orignal tatoué, un organisme dédié à l’insertion sociale des jeunes entre 16 et 30 ans qui sont en situation d’itinérance ou de rupture sociale, accueille plusieurs personnes chaque semaine. Sa mission est de briser l’isolement, prévenir les comportements à risque et offrir une aide ponctuelle pour répondre à des besoins urgents. Au café de rue, les jeunes ont l’opportunité de socialiser avec d’autres, rencontrer les intervenant.e.s, partager un repas, prendre une douche, jouer de la guitare, utiliser les ordinateurs sur place, faire des appels, emprunter un casier pour entreposer leurs biens, etc. Cet organisme constitue un véritable point de repère pour plusieurs jeunes en situation de vulnérabilité.
Cette initiative, inscrite dans la recherche-action, Juristes mobiles vise à faciliter l’accès à la justice pour ces jeunes, souvent méfiants envers les institutions traditionnelles, en leur offrant la possibilité de rencontrer une professionnelle du droit directement dans le café. Le projet consiste en une présence régulière de la juriste Audrey-Paule Ledoux, permettant de créer un espace de confiance où les jeunes peuvent poser leurs questions juridiques de manière confidentielle, dans un esprit d’accueil et d’ouverture. La présence de la juriste assure une réponse rapide et accessible aux préoccupations légales, qu’il s’agisse de droit pénal et criminel, de droit de la famille, de protection de la jeunesse ou encore de droit civil. Les principaux objectifs sont de démystifier le système judiciaire, souvent perçu comme complexe et inaccessible, et d’apporter des réponses concrètes et adaptées aux préoccupations des jeunes.
Accessibilité et vulgarisation du droit
Les obstacles auxquels ces jeunes font face sont principalement la méfiance envers les institutions publiques et la méconnaissance du système judiciaire, en raison de sa complexité. Cette initiative vise donc à rendre l’information juridique plus accessible et à offrir un soutien juridique adapté. Le fait de tenir les rencontres dans un lieu familier et en dehors du cadre institutionnel vient réduire la distance entre les jeunes et le système judiciaire. Ainsi, chaque rencontre permet non seulement de répondre à des questions juridiques individuelles, mais aussi de faire de la prévention et de la vulgarisation sur les droits et obligations. Les jeunes bénéficient donc d’un accompagnement spécifique qui tient compte de leur réalité et leurs besoins. Le projet valorise également leur autonomie, car ce sont à eux que revient la décision d’entreprendre les démarches juridiques, le cas échéant. Il ne s’agit donc pas d’un service de représentation légale, mais bien d’un soutien juridique et d’orientation vers des ressources appropriées.
Dans les cas où leur situation est déjà judiciarisée, plusieurs jeunes éprouvent un niveau de stress élevé et se sentent intimidé.e.s par l’environnement formel d’un cabinet d’avocat. Cela peut les amener à se retenir de s’exprimer pleinement ou de poser les questions qui les préoccupent, voire à oublier de les poser. De plus, la difficulté à comprendre le processus judiciaire et ses conséquences génère chez eux une grande anxiété, ce qui aggrave davantage leur situation déjà complexe. Les rencontres avec la juriste dans le cadre du projet leur offrent l’opportunité de mieux saisir le fonctionnement du système judiciaire, ainsi que ses implications et ses conséquences. Ces échanges leur permettent de poser leurs questions en toute confiance, sans limite de temps, sans crainte du jugement et loin du formalisme d’un cabinet d’avocat. Après ces rencontres, les jeunes expriment un sentiment de soulagement et de diminution de leur stress. Ainsi, le rôle de la juriste ne remplace pas celui de l’avocat.e chargé.e du dossier, mais agit en complémentarité.
Une démarche flexible et collaborative
La juriste assure une présence dans l’organisme sur une base régulière et prévisible. Cette fréquence permet de s’adapter aux besoins des jeunes et des intervenant.e.s du café de rue, tout en assurant une continuité dans l’accompagnement juridique. Des rendez-vous individuels sont aussi offerts en dehors de ces créneaux réguliers, afin de s’adapter à la disponibilité et aux besoins des jeunes. Il est important de souligner que la juriste travaille étroitement avec les intervenant.e.s, qui possèdent un lien de confiance solide avec les jeunes et une compréhension approfondie de leurs enjeux.
Au-delà des rencontres individuelles, il est aussi prévu d’organiser des ateliers de groupe si la demande se fait sentir. Ces ateliers pourront aborder des thèmes qui touchent les jeunes, tel que le droit du logement ou la protection de la jeunesse. Ceci pourra élargir la portée du soutien juridique offert et permettre aux jeunes de partager leur réalité entre eux.elles, créant ainsi une plus grande solidarité et une diminution du sentiment d’isolement.
L’initiative de justice de proximité mise en place au café de rue l’Orignal tatoué constitue un modèle novateur d’accompagnement juridique pour une population souvent laissée de côté. En permettant aux jeunes de poser leurs questions en toute confiance, sans jugement ni formalité, ce projet contribue à améliorer l’accès à la justice pour des personnes en situation de vulnérabilité. À travers ce projet, nous espérons briser l’isolement des jeunes et leur offrir les outils pour comprendre et utiliser leurs droits, tout en contribuant à l’insertion sociale et à la prévention des comportements à risque.