Des services juridiques qui reconnaissent et s’adaptent aux différences cognitives

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Les personnes autistes, ou vivant avec une déficience intellectuelle ou un trouble du langage, peuvent rencontrer des difficultés dans divers domaines, notamment en matière de communication. Elles peuvent vivre des difficultés à s’exprimer clairement, à trouver les bons mots ou à organiser leur discours. Elles peuvent avoir des problèmes avec la lecture et l’écriture, des difficultés qui sont exacerbé face à des documents légaux. Elles peuvent avoir des problèmes à retenir des informations ou plus généralement éprouver des difficultés reliées à leur mémoire. Ces difficultés augmentent les barrières auxquelles ces personnes doivent faire face lorsqu’elles sont en relation avec le système de justice. 

Toutes les personnes autistes ou vivant avec une déficience intellectuelle ou un trouble du langage (DI-TSA-TL) sont différentes. Chaque personne est unique et la façon dont se manifeste leur état varie selon la personne et son contexte de vie.  Dans le cadre de la recherche-action Juristes mobiles, l’ampleur des difficultés vécues par ces personnes a justifié la mise en place d’un service d’accompagnement juridique visant à s’adapter à ces différences. 

Pourquoi s’adapter ? 

Certaines caractéristiques associées aux personnes DI-TSA-TL peuvent mener à des problèmes de compréhension tout au long du processus judiciaire, ou encore à une judiciarisation excessive de leur parcours de vie. À titre d’exemple, une personne autiste en état de désorganisation peut être plus à risque de commettre des gestes pouvant constituer des actes criminels, comme une voie de fait.  

 Les difficultés de compréhension du système de justice commencent tôt, dès les premiers contacts avec un policier ou un avocat. La personne ayant une déficience intellectuelle ou la personne autiste peut avoir de la difficulté à comprendre les conséquences du geste qu’elle a posé. Elle peut parfois avoir une naïveté sociale pouvant la conduire à être influencée à commettre un crime. Elle peut mal interpréter une situation sociale ou méconnaître certaines lois et certains concepts, dont la notion de consentement. 

Dans le cadre de procédures judiciaires, le comportement des personnes DI-TSA-TL peut être mal interprété. Lors d’une audience, ces personnes peuvent avoir de la difficulté à s’exprimer, à garder un contact visuel ou à comprendre les consignes données par les professionnels. Elles peuvent avoir de la difficulté à raconter leur version des faits dans un ordre chronologique. Ce sont des personnes qui sont plus susceptibles d’acquiescer aux questions posées et de faire des aveux infondés.  

Comment s’adapter ?

Dans le cadre des consultations menées par les chargées de projet de Juristes mobiles, les personnes œuvrant auprès des clientèles en situation de handicap ont partagé plusieurs recommandations sur la façon d’adapter des services juridiques à cette clientèle.  

Tout d’abord, une bonne pratique est de poser des questions simples, courtes, claires qui n’abordent qu’un seul aspect à la fois. Il est aussi souhaitable d’accorder un temps de réponse suffisant et de faire preuve de patience dans le cadre des rencontres. Le juriste doit bien se présenter, clarifier son rôle ainsi que celui des autres acteurs du système de la justice. Il est important de bien préparer la personne qui doit faire face à des procédures en l’informant et en la familiarisant avec les différentes étapes du processus. 

Au niveau de la communication, il est préférable d’éviter les termes complexes et les sous-entendus.  Il est important de vérifier la compréhension de la personne tout au long de la consultation. L’information transmise devra parfois être répétée plusieurs fois afin de faciliter sa compréhension et son assimilation. Les exemples concrets sont préférables aux métaphores et concepts abstraits.  

Dans le cadre de la rencontre, il est conseillé de permettre l’accompagnement d’une personne de confiance lorsque c’est possible. Le juriste devrait tolérer la présence d’objets familiaux ou de comportements permettant de diminuer le niveau d’inconfort, et porter une attention aux odeurs et parfums forts, ainsi qu’aux bruits ambiants. Il est conseillé de prendre le temps en début de rencontre pour vérifier si des ajustements peuvent être faits au niveau sensoriel comme d’éteindre les néons, par exemple.  

Dans le cadre de la rencontre, il peut parfois être utile d’utiliser des images et des schémas pour illustrer des concepts. Il est prudent de prévoir plus de temps pour une rencontre, ainsi que des rencontres subséquentes. Les suivis et les outils pour aider une personne à se souvenir de son prochain rendez-vous sont appréciés. Il est aussi idéal de considérer les horaires du transport adapté lors de la prise de rendez-vous quand cela est pertinent, et d’avoir un lieu confortable pour que la personne puisse attendre son transport.  

Pour voir d’autres recommandations sur la façon de mettre en place un service de proximité auprès des personnes en situation de handicap, vous pouvez consulter notre synthèse des consultations à ce sujet : juste ici.  

Un premier pas

Forts de ces partages, Juristes mobiles met en place un service juridique qui souhaite s’adapter aux personnes DI-TSA-TL résidant sur le territoire de la Mauricie. En collaboration avec le Regroupement d’organismes de promotion pour personnes handicapées, la juriste a reçu des formations pour mieux comprendre la réalité des personnes visées et s’efforcera de mettre en application les recommandations formulées par les différentes organisations consultées.  

N’hésitez pas à nous contacter pour tout commentaire ou pour toute question sur ce service.  

Pour aller plus loin 

ARCH DISABILITY LAW. (2018). Tips on providing accessible legal services for persons with disabilities, en ligne : https://archdisabilitylaw.ca/sites/all/files/2018.pdf  

AUTISME MONTÉRÉGIE. (2023). Autistes et non-autistes – Mieux se comprendre,  en ligne : https://www.autismemonteregie.org/edocman-notions-et-dx/boite-a-outils/autisme-notions-et-diagnostic/guide-autistes-et-non-autistes-mieux-se-comprendre  

OUELLET, G., Morin, D., Mercier, C. & Crocker, A. (2012). Nouvelle normativité sociale et déficience intellectuelle : l’impasse pénale, Lien social et Politiques, (67), 139–158, en ligne: https://doi.org/10.7202/1013021ar  

PARENT, R. (2013). Prendre en compte la déficience intellectuelle, Le journal – Barreau du Québec, en ligne : https://epe.lac-bac.gc.ca/100/201/300/jrn_barreau/2013/201307.pdf?nodisclaimer=1 p. 15  

PELLETIER, F. & SURPRENANT, C. (2025). Comprendre et accompagner la clientèle neurodivergente, Praevention, en ligne : https://www.assurance-barreau.com/media/x1pnbvtl/2025_08_neurodivergence_final.pdf 

REGROUPEMENT D’ORGANISMES EN DI-TSA DE LA MAURICIE. (2021). La judiciarisation et le TSA, en ligne : https://roditsamauricie.org/billets-informations/la-judiciarisation-et-le-tsa/#_ftn6